Quel mousqueton au relais ? Le danger des HMS

http://www.montagnes-magazine.com/pedago-quel-mousqueton-relais-danger-hms

[NEW] J’ai trouvé le début de l’article en espagnol (un peu plus détaillé) :
http://asacformacion.com/?p=3514
Il est accompagné d’une vidéo explicative

Dans le numéro 341 de Desnivel, la fédération ibérique de montagne et d’escalade sonne l’alarme : nous utilisons dangereusement les mousquetons HMS. Alertés par une intuition réelle, des experts réalisent des tests dont le résultat est probant et se questionnent sur l’engouement récent pour ces mousquetons. Recadrage brutal mais salvateur de l’usage impropre d’un élément majeur de la chaîne de sécurité en paroi.

Quel type de mousqueton utilisez-vous pour réaliser un relais ?



Quel type de mousqueton placez-vous sur les ancrages pour une triangulation ? Une majorité de grimpeurs serait bien en peine de répondre précisément à la question. Mais cette même majorité utilise ce qu’elle trouve en vente dans les magasins et qui comble son attente : un mousqueton à vis avec une ouverture assez large.
Ainsi s’explique probablement l’engouement pour les mousquetons de type HMS, fortement représentés dans les rayons des magasins et sur les baudriers des grimpeurs. Tous ces mousquetons dits de sécurité (parce que comportant un verrouillage) sont vendus le plus souvent sans aucune précision sur l’usage pour lequel ils sont conçus et encore moins sur leur classification dans le label UIAA « mousqueton » et la norme européenne.
Les commentaires sur catalogue papier ou en ligne ne sont pas d’une grande aide, en témoigne un exemple courant : « Mousqueton à vis de très belle qualité, léger galbe pour optimiser l’ouverture système Keylock pour faciliter les manœuvres de cordes. Finition anodisée.»
Un grand flou donc, au milieu duquel on remarque parfois le sigle HMS mentionné pour quelques modèles, sans pour autant que soit précisé à quoi correspondent ces trois lettres.

D’où nous vient ce mousqueton en vogue ?

HMS signifie en allemand Halb Mastwurf Sicherung, ou demi-cabestan. En effet, ces mousquetons sont dessinés pour l’utilisation de ce nœud de freinage. Ils permettent le retournement du nœud grâce à la forme plus ou moins symétrique et une grande largeur du mousqueton.
Par forme symétrique on entend que les tangentes aux courbes des petites et grandes largeurs sont parallèles ou presque, la courbe du grand côté est très peu marquée voire inexistante. Un demi- cabestan coulisse toujours au-delà d’un effort sur la corde de 2,5 Kn.
La forme d’un mousqueton HMS symétrique en fait un très bon mousqueton d’appareil : les cordes ne sont pas projetées dans un angle mais demeurent au centre du côté large avec de fait une pression identique au passage dans le frein utilisé. En rappel ou pour l’assurage.
Le mousqueton HMS est conçu pour un usage dynamique, où il est un des éléments actifs du frein employé. Il n’est pas conçu pour l’application d’une charge.
Le mousqueton HMS est marqué d’un H à côté de la mention des résistances.

h
Le symbole H pour HMS

Qu’est-ce donc qu’un mousqueton non HMS ? La norme EN12275 / UIAA 121 Sont recensés 6 types de mousquetons : B : mousqueton de base pour les usages courants

D : directionnel (mousqueton pour les dégaines par exemple)
X: de forme ovale aux deux côtés parallèles, la largeur est constante, pour l’escalade artificielle
H: forme de poire plus ou moins symétrique, pour l’assurage au demi-cabestan ou avec frein
K: Klettersteig qui signifie via ferrata en allemand, forme et résistance permettant des efforts en porte-à-faux défavorable
Q: quick-link, ce sont les maillons rapides homologués pour l’escalade et l’alpinisme

Après cette énumération, attardons-nous sur le mousqueton de type B.

C’est cette forme-là qui est retenue pour la chaîne d’assurage, dégaines, mousquetons libres, etc. Le dessin de ce mousqueton possède une pente très marquée ayant pour effet de ramener – à l’arrêt d’une chute par exemple ou lors de toute charge appliquée – la corde contre le grand axe du mousqueton. L’effort est donc exercé sur la partie la plus forte du mousqueton, dans la position la plus favorable.
Pierre Allain – alpiniste, inventeur, grimpeur à qui l’on doit une partie essentielle de notre matériel moderne – avait déjà réfléchi à la chose pour la réalisation du premier mousqueton en alliage léger de l’histoire dans les années 30. Le grand axe est de section plus forte que le reste du mousqueton, la pente du petit axe est très marquée, le résultat est tel que Pierre Allain supprime le système d’accroche du doigt, le mousqueton restant de facto toujours ouvert. Malgré cela la résistance atteint les 1600 kg! Jamais un autre mousqueton n’approchera cette résistance doigt ouvert ! On voit donc ici toute l’importance de la forme du mousqueton. Que se passe-t-il avec un mousqueton HMS ? C’est ici que réside le principal des tests menés par la FEDME.

Chronique d’une rupture

Le schéma choisi pour le test est simple : un relais réalisé avec une triangulation. Sur les ancrages, deux mousquetons HMS comme souvent préconisés, ou à tout le moins tenus pour usage récurrent dans les démonstrations et études (FFME, ENSA) : Nulle bonne foi n’est mise en cause, il s’agit d’un engouement général et aveugle pour ces mousquetons

Dans ces deux tutoriels (ci-dessus et ci-dessous), sur les relais proposés par la FFME et l’ENSA, les mousquetons utilisés sur les ancrages sont des HMS, l’utilisation aveugle des mousquetons HMS n’est pas l’apanage du quidam ignorant mais bien un usage enraciné qu’il faut changer.tuto_ffme

La triangulation est effectuée avec une sangle dyneema (statique) et un pavlotin en respectant un angle de 40° d’ouverture selon un triangle équilatéral avec en son centre le point central muni d’un mousqueton type B. La répartition de la charge entre les deux points d’ancrage est à hauteur de 53,2 % chacun (triangle des forces). L’effort appliqué sur le point central est au moment de la rupture de 23,3 Kn, soit environ une charge de 12,4 Kn sur les mousquetons ! Le mousqueton défaillant avait une résistance annoncée de 27 Kn, la rupture s’est produite à seulement 46 % de cette valeur annoncée! Comment est-ce possible ? La pente faible ou quasi inexistante sur le mousqueton HMS empêche la sangle ou la cordelette de se positionner contre le grand axe du mousqueton lors de la mise en tension de la triangulation, la cordelette ou la sangle venant naturellement se placer côté ouverture du mousqueton HMS. Ce côté ouverture du mousqueton est son point faible quel que soit son type. Dans notre triangulation l’effort se retrouve inexorablement appliqué sur ce talon d’Achille. À l’inverse, dans une triangulation réalisée avec des mousquetons de type B, la charge se trouve dirigée contre le grand axe, point de plus grande résistance.
triang_hms
Triangulation avec type H.
triang_b
Triangulation avec type B

type_h_appareil
Type H et Appareil
type_h_demi_cabestan
Type H et demi-cabestan

Qu’en est-il du mousqueton HMS pour d’autres usages ?

La forme particulière du HMS fait qu’il travaille toujours dans une position défavorable. Pour s’en convaincre – ils le pressentaient fortement – les gens de la FEDME ont procédé au test de résistance simple de douze mousquetons sur une machine à tracter. Ce fut une hécatombe. Seul trois mousquetons ont tenu les 20 kN minimaux prévus par la norme. Tous les autres (voir la liste ci- dessous) ont cassé à 40 % de la valeur inscrite par le fabricant. Aucune déformation du mousqueton n’a été observée avant la rupture du point faible, le système de fermeture – Keylock le plus souvent. La valeur marquée sur le mousqueton a été approchée (3 kN de moins) lors d’un essai sur trois modèles avec application forcée de l’effort sur le grand axe du mousqueton. Dans ce cas, les valeurs de rupture observées dans le premier test se trouvèrent améliorées de 40 à 60%.
Mousquetons défaillants au simple test de résistance:
>Petzl – William
>Petzl – Attache 3D
>Petzl – Attache 3D nouveau
>Petzl – Attache 3D classique
>Black Diamond – RockLock >Faders – HMS M
>Faders – HMS M
>DMM – Aero
>Grivel – MEGA 66K
>Wild Country – Synergy
>Lucky – HMS 27

Que faut-il en conclure ?

Bien évidemment le relais ne se trouve qu’exceptionnellement sollicité par de tels efforts. Mais même en ergotant plus que de mesure pour défendre ses habitudes, peut-on accepter en connaissance de cause un risque potentiel aussi absurde ? La réalisation d’un relais nécessite des mousquetons de type B à l’exclusion de tout autre.

Un mousqueton HMS symétrique est destiné exclusivement à l’assurage sur demi-cabestan ou couplé à un frein au travers duquel passent les cordes coulissant sur le mousqueton. Il doit être réservé à l’usage pour lequel il est conçu, à l’exclusion de tout autre tel que :
>l’encordement sur mousqueton (glacier, cordée de trois en terrain facile)
>placement d’un mousqueton à verrouillage sur un point d’assurage
>utilisation d’un mousqueton maître sur le relais. Cela revient à empiler différents connecteurs en arguant l’aspect pratique, quitte à reproduire la situation la plus défavorable en guidant les forces appliquées vers le talon d’Achille du relais : un mousqueton HMS (parce que large) sur lequel toute la cordée place les dés de sa vie.

 

 

Une réflexion sur « Quel mousqueton au relais ? Le danger des HMS »

  1. Un petit article intéressant sur le choix du bon mousqueton en fonction de l’usage, par Montagne Magazine. Et qui donne envie d’aller vérifier tout son matériel! ;)

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